samedi 3 juillet 2010

Love 2 5:55

On avait connu Air et ses mélodies dépressivo-cool. On avait connu Air faisant une entrée renversante dans le monde de l’électro-pop au milieu des nineties, mêlant sons lunaires et instruments traditionnels. On avait connu Air sublimant The Virgin Suicides, le long-métrage fantasmagorique de Sofia Coppola, avec ses airs futuristes et amers. On avait connu Air s’inspirant sans relâche et sans s’en cacher de l’album-concept de Serge Gainsbourg, Histoire de Melody Nelson (1971). Enfin, on avait connu Air composant un album pour Charlotte Gainsbourg, 5 : 55, en 2006. Tel un Serge et sa Jane, Air avait su jouer sur la corde sensible de la voix presque muette de la fille Gainsbourg, en la poussant à chaque fois aux limites du son cristal, aux bords de la casse, mais juste avant, magnifique. 

On attendait donc beaucoup du dernier opus du groupe, Love 2, sorti en octobre 2009. A l’écoute disciplinaire de tous les titres dans l’ordre de l’album, l’expectation se fait étonnement longue. A la différence des précédents albums, dont l’écoute de chaque chanson sonne comme autant de titres légendaires qui s’installent dans nos oreilles et dans notre répertoire musical à vie, ici nous attendons patiemment qu’arrive un miracle harmonieux. 






Et c’est à la chanson numéro 6, parfaitement au milieu de l’album qui comporte 12 titres, qu’intervient la stupéfaction : la chanson Tropical Disease est le morceau de l’album le plus étonnant, le plus joli, le plus jouissif, celui qui porte tout l’album en son centre, comme un pilier unique qui, s’il s’effondrait, emporterait l’album avec lui dans sa chute. 

Très vite, on s’aperçoit que ce morceau est aussi une réplique un peu trop ressemblante d’un autre titre brillant de Air, Everything I Cannot See, composé pour Charlotte Gainsbourg et son 5:55. Les deux morceaux sont les plus longs de leur album respectif et sûrement les plus aboutis. Leur structure musicale est identique, et c’est la présence insistante d’une mélodie au piano, si énigmatique qu’on ne saurait dire si elle se situe au premier ou au second plan, qui les fait vivre tous les deux. La découverte des similitudes n’altère pas le plaisir de l’écoute des morceaux, mais s’impose malgré tout une impression de réchauffé.

Bien évidemment, on ne peut reprocher à un groupe électro de réutiliser ses samples. De plus, Air demeure aujourd’hui un des groupes les plus inventifs et productifs de sa génération (près de 6 albums en une dizaine d’années). On invitera donc tous les puristes à se procurer l’album, toute déception mise à part. Loin d’être le meilleur de la discographie du groupe amorcée avec le génial Moon Safari en 1998, Love 2 assure tout de même une belle descendance et prouve une fois de plus que Air est un cas à part au sein de l’électro pop moderne.